Bernard Farcy : « À Longueville, on peut entendre siffler le train… »
Bernard Farcy : « À Longueville, on peut entendre siffler le train… »
La République
Bonjour commissaire !
Commissaire Gibert
Salut La Rep, comment allez-vous ?
La République
Très bien ! Alors comme ça, vous avez troqué le Taxi contre le train ?
Commissaire Gibert
Exactement ! Pour un projet porté par de jeunes cinéastes pleins d'énergie, qui affichent un vrai style.
La République
Il s'agit du court-métrage Monstrus Circus, réalisé par Jordan Inconstant, 29 ans, qui raconte l’histoire d’une troupe de monstres fantastiques qui monte un spectacle pour dépasser les différences. Un drôle de film non ?
Commissaire Gibert
C'est un vrai choix. Jordan a opté pour le fantastique, un genre qui revient un peu à la mode avec notamment Dumbo de Tim Burton et d’autres projets du même type. Il emmène le spectateur dans un monde de joie, de lumière, de musique, de costumes. Un vrai feu d’artifice pour parler d’un thème universel et humain : comment acceptons-nous l’autre ?
La République
Un sujet pourtant vieux comme le monde…
Commissaire Gibert
Malheureusement. Mais avec cette façon de faire, on avance ! On est sur du divertissement et non une leçon de morale. Il n’y a pas de culpabilisation. Le thème du film c’est l’indifférence dans le sens de "l’absence de différence". Le réalisateur utilise un point de vue artistique et non politique ou sociétal. C’est une lecture à la fois humaine et universelle du problème. On parle avant tout d’êtres humains qui ont besoin de considération.
La République
Jordan Inconstant a donc réussi son pari ?
Commissaire Gibert
En tout cas, je n’ai pas encore vu de film comme le sien de nos jours. Le court-métrage n’est pas forcément ma passion, mais là, Jordan a été sur un chemin qui n’est pas facile, c’est une audace artistique non conformiste qu’on n’a pas l’habitude de voir chez les jeunes réalisateurs.
Commissaire Gibert
J’ai été dans des jurys de courts-métrages et souvent, les jeunes cinéastes veulent mieux faire quelque chose qu’on a déjà vu. Là, il a fait différemment. J’ai eu affaire à une bande de copains qui n’avaient pas beaucoup de moyens, mais qui étaient sains et frais. Une génération touchante qui essaie de mettre de l’humain dans son travail. Il me semble que c’est ce dont on a besoin aujourd’hui. J'ai donc voulu leur donner un coup de main.
La République
Pourtant, votre rôle est différent des personnages que vous avez l'habitude d'incarner. Il s'agit du fondateur du cirque, qui n'est pas vraiment dans la comédie. Qu'est-ce qui vous a plu ?
Commissaire Gibert
C'est la démarche. Je savais que le film Taxi était intergénérationnel, mais j’ai trouvé agréable d’être sollicité par un jeune réalisateur en devenir. C'est vrai, j’ai d’abord cru qu’on allait me proposer une comédie, mais ce fut au contraire un rôle différent très intéressant !
La République
Il faut dire que vous représentez en quelque sorte la caution morale du film…Avouez que c'est assez flatteur...
Commissaire Gibert
Je vous laisse la paternité de l’expression. Mais effectivement, mon personnage est quelqu’un qui a beaucoup bourlingué et qui va passer le relais au jeune homme qu’il a sous sa coupe. Il va le mettre en garde sur les dangers qu’il y a à manipuler une magie très puissante. Mais on n’en dira pas plus !
La République
Une partie du film a été tournée au Musée vivant du chemin de fer de Longueville. Ces vieilles voitures qui sentent bon les années 30, c'était comment ?
Commissaire Gibert
Honnêtement, c’était une très belle expérience, un très beau voyage dans l'histoire du train ! Se retrouver face à deux wagons construits pour transporter les passagers du Titanic, monter dans ces machines patinées, pour peu qu’on laisse notre imaginaire filer, on peut entendre siffler le train et voir descendre les dames en robe avec leurs ombrelles…
La République
Ça... vous ne manquez pas d'imagination...
Commissaire Gibert
Et je ne suis pas le seul ! Il faut voir l’enthousiasme et le travail de mémoire « mécanique » fait par le groupe de bénévoles du musée. Ils sont passionnés et chouchoutent les machines comme des animaux domestiques. C’est vraiment touchant.
La République
Vous avez tourné dans un wagon Pullman, avec des costumes d'époque. On peut voir ?
Commissaire Gibert
Commissaire Gibert
Eh voilà, avec une partie de l'équipe, dont le réalisateur Jordan Inconstant, à gauche.
La République
Vous avez toujours autant de prestance, même malgré vos... Quel âge vous avez déjà ?
Commissaire Gibert
Ah... Je préfère ne rien dire, c'est ma coquetterie à moi !
La République
En tout cas, vous avez derrière vous plus de 30 ans de carrière et souvent des grands seconds rôles. Des regrets ?
Commissaire Gibert
On a toujours une petite nostalgie quand on regarde derrière, mais je n'ai pas de regrets. Je suis content d'avoir joué des rôles marquants et différents.
La République
Vous êtes quand même passé du célèbre "Aleeeerte généraaaale" au "Je vous ai compris" du général de Gaulle. Pas mal...
Commissaire Gibert
C'est vrai. Dans Taxi, c'était de la comédie pure avec ce commissaire déjanté. A l'inverse, j'ai joué le général De Gaulle dans le téléfilm Le Grand Charles, qui a reçu pas mal de prix. Deux rôles complètement différents qui ont marqué. C'est pas si mal dans une carrière. Aujourd'hui, dans Monstrus Circus, c'est encore un autre personnage. C'est ça la richesse du métier : être capable d'utiliser une palette, quand on en a une.
La République
Vous avez tourné avec Bertrand Blier, Michel Blanc, Alain Chabat, Jean-Pierre Mocky... Quels sont vos plus beaux souvenirs de cinéma ?
Commissaire Gibert
Il y en a forcément plusieurs. Mais je dirais forcément mon premier film sorti en 1983, La Lune dans le caniveau. Pour mes débuts, je me retrouve avec Gérard Depardieu et Nastassja Kinski dans les studios de Cinecittà (Italie), un lieu mythique du cinéma. Ce n'est pas rien. Ensuite, il y a les films qui suivent : Notre histoire avec Alain Delon et Nathalie Baye, et Marche à l'ombre avec Michel Blanc et Gérard Lanvin. On se croise d'ailleurs toujours des années après. Ce sont des rencontres qui marquent.
La République
Comme ces acteurs, le gros de votre carrière semble aujourd'hui derrière vous. N'avez vous pas peur qu'on vous cantonne au rôle "d'ancien" ?
Commissaire Gibert
Pas du tout. De toute façon, on ne va plus me proposer de rôles de jeune de 20 ans !
Commissaire Gibert
Au contraire, je ne redoute rien. J'accepte le temps de la maturité, qui peut proposer beaucoup de très bon rôles. D'ailleurs, je les attends !