Quand l'éducation nationale promeut l'idée que des séquences pédagogiques peuvent être produites par externalisation, elle déqualifie la compétence professionnelle de chaque enseignant pour mieux la placer sous la tutelle de la hiérarchie locale.
Le dessaisissement pédagogique est un des objectifs poursuivis par le management local et "l'ouverture aux partenaires de l'Ecole" (entreprises, collectivités) : il implique la remise en cause de l'expertise disciplinaire, fondement de la liberté pédagogique, et a pour corollaire le renforcement de l'autorité pédagogique des chefs d'établissement. A la fin du processus de dessaisissement, le métier d'enseignant risque que ne plus être que contrainte et contrôle ... C'est la précarisation que subissent toutes les victimes de l'uberisation.
Cet objectif de dépossession disciplinaire anime la volonté, depuis les années 2000, de bâtir une Ecole fondamentale sur un bloc école-collège régressif en termes d'exigence des contenus enseignés, puisque fondé sur la mise en cause de la monovalence. Les nouvelles modalités du DNB sont une traduction ce renoncement officieux à la réussite de tous, quelle que soit l'origine sociale, les épreuves anonymes, nationales et disciplinaires étant désormais marginalisées dans le décompte des points.
Il apparaît donc clairement aujourd'hui que les attaques contre le principe même de l'enseignement disciplinaire traduisent le renoncement à rendre les connaissances accessibles au plus grand nombre. La volonté d'imposer un enseignement "par compétences" est symptomatique des évolutions en cours : imposer une approche pédagogique transversale n'engendre pas seulement la disqualification professionnelle (et la souffrance au travail) des agents, mais aussi dans le même mouvement une profonde mutation du système éducatif public que l'on cherche à borner au "socle" de compétences.
